« Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être un gangster. » Les Affranchis (1990) – Martin Scorsese

« Il n’existe pas de petite arnaque… Gamin déjà, j’étais connu pour être à l’origine de la plupart des mauvais tours qui étaient joués dans le quartier. Les coups de sonnettes sans personne devant la porte lorsque vous descendez ? C’était moi. Le courrier du voisin dans la boite aux lettres ? C’était moi. Les pétards ? C’était moi. Les bonbons fauchés à la boulangerie ou au bureau de tabac ? C’était moi. Rien de très méchant, tous les gamins font ce genre de choses. C’est vrai, j’aurais pu réussir ma vie, devenir quelqu’un de bien, quelqu’un qui ferait rêver des générations de gamins. Mais pour cela, il aurait fallu travailler. Et j’ai toujours eu ce petit côté un peu fainéant. »

« C’est comme ça que je me suis retrouvé embarqué dans un projet plus grand que moi. Plus grand que ce que j’aurais jamais cru être capable d’imaginer un jour, tu vois ? C’était digne d’un scénario pour le prochain Ocean’s Eleven. Une occasion en or. Le genre qui ne se présente pas deux fois dans une vie. Alors j’ai foncé. Comme n’importe qui l’aurait fait. Qui ne tente rien n’a rien non ? »

« On grandit dans une société à double tranchant. D’un côté, on nous dit que le rôle de la justice est de punir les criminels, les envoyer en prison, tout ça… Et de l’autre, on encense Al Capone, Scarface et autres parrains. Il faudrait penser à accorder les violons de temps en temps. Après les gars paumés, ils se retrouvent dans ma situation. On enchaine les conneries. Des petits larcins d’abord. Piquer des bonbons au bureau de tabac. Puis au supermarché. On finit par essayer de braquer la caisse. On réussit. Ça nous fait un peu de fric pour tenir. C’est déjà mieux que de bosser dans un fast-food. Au moins, on évite l’odeur de friture. On se fait coincer. On va en cabane. Et là on apprend d’autres petits « trucs » pour quand on ressortira. C’est un cercle vicieux et il faut beaucoup de volonté pour s’en sortir. C’est tellement plus simple que de s’efforcer de changer sa vie. »

« J’aime la facilité. Les casse-têtes, ce n’est vraiment pas pour moi. Et puis, quand on est doué pour faire quelque chose, pourquoi changer d’orientation et faire un truc pour lequel on n’est pas forcément doué ou qui ne nous plaira pas ? Je me voyais mal comme un gars qui se trimballe en costume trois pièces dix-huit heures par jour, enfermé dans un bureau étriqué ou perdu dans un ilot de solitude au milieu d’un open-space. Bon, d’accord, mes rêves de plein air et de liberté ont souvent tourné court. Mais je m’en sors pas trop mal. J’ai appris à bricoler pas mal de choses. Quand je sortirais, je me poserais peut-être, je me trouverais un petit boulot dans mes cordes et à mon goût, j’irais retrouver mes amis, ceux qui ont pas mal tourné, tu vois. Ils ont tous leur petite vie bien rangée, leurs familles, leurs jolies voitures et pourquoi pas un chien aussi. Ils vont aux kermesses des gosses. Ils font des grands goûters d’anniversaire pour le petit dernier. Ils décorent le sapin en rigolant quand le chat grimpe dedans et le fait tomber… »

« Honnêtement, tu m’y vois comme ça ? Ce serait trop ennuyeux. Mais j’espère qu’on pourra se retrouver, un soir d’été au fond du jardin de l’un ou de l’autre, une bière dans une main, voire même les pieds dans la piscine creusée, le dernier investissement pour que les gamins s’amusent l’été et qui évite de devoir claquer des sommes monstrueuses au parc aquatique le plus proche. On sera là, tous peinards, avec nos bières, à rire, à discuter. Je ferais les mêmes vieilles blagues… Je jonglerais avec les balles des gamins… Ou bien on se fera un petit poker, sans miser d’argent, juste des jetons. »

« En fin de soirée, quand on commencera à être bien joyeux, on évoquera le bon vieux temps. Celui où on était tous des jeunes cons, avant de rentrer sagement dans le système. On parlera des soirées où on se lançait des paris fous ou débiles, ou les deux. Celui qui le relevait s’éclipsait et revenait plus tard, souriant, avec la preuve de son forfait. Et les mêmes mots résonnaient dans la nuit. Toujours les deux mêmes. Et après, on se félicitait à grand renfort de tape dans le dos, de bière tiède et de clopes bon marché. »

« C’était quoi ces deux mots ? Rien d’extraordinaire ou de remarquable, ce n’était pas aussi classe que les claquantes devises des équipes sportives ou des nobles au Moyen-Age. Mais c’était notre code à nous. Notre signe de reconnaissance. On le murmurait avec fierté et respect. On déchirait le silence de la nuit, sous les yeux et oreilles avides des potes. Ces deux mots, c’était prouver qu’on était bien de la bande. Qu’on était pas des froussards. Je me demande encore s’ils se souviennent encore de ça. »

« Méfait accompli. »